Mutation (s)
Mutation n.f. : Changement radical, conversion, évolution profonde.
Soyez insincères et laissez vos étrangetés s’exprimer en vous.
Osez la grandeur à une époque où sévit la médiocrité à grande échelle.
Répudiez la tiédeur et la mollesse broyeuses de talent.
Soyez enfantins, irresponsables.
Ne regardez pas un tableau, mais appliquez vos connaissances, vos grilles de lecture sur l’œuvre. Faites coïncider vos observations avec ce que vous pensez déjà savoir. Vous avez sûrement raison et l’artiste a tort.
Demandez-vous à quelle beauté vous êtes sensible. Et pourquoi.
Aimez l’imperfection, car elle possède un charme que la perfection ne possède pas.
Laissez votre sens critique s’émousser pour ne pas gâcher la fête.
Faites confiance à l’homme qui souffre, il n’a aucune raison de vous berner.
Succombez à une soif de grandeur.
La richesse d’un tableau se mesure à la richesse des niveaux de lecture.
Révélez l’arbitraire du monde pour mieux l’habiter.
Pensez « beauté » et « laideur » comme deux valeurs interchangeables.
Défaites-vous des symboles encombrants.
Entre la préservation d’une amitié et la réalisation d’un beau tableau, choisissez la beauté.
Ne cherchez pas à TOUT expliquer. La vie est un rêve confus.
Soyez paresseux intellectuellement, ce n’est qu’ainsi que le monde se ressemble chaque jour davantage.
Soyez impitoyables, la critique – même méchante – est plus passionnante que l’éloge.
Renoncez à vouloir plaire à tout prix. Soyez souverain.
Pour aller à la rencontre de l’autre, vous devez renoncer à une partie de vous-même.
Répondez aux attentes des autres, ne demeurez pas fidèle à vous-même.
Ne craignez pas vos fantômes, alarmez-vous plutôt de leur absence.
Donnez forme au chaos, au désordre qui vous habite. On s’épanouit mieux dans un climat hostile où l’on rencontre de la résistance.
Ne prétendez pas savoir plus que vous ne saviez réellement.
Face au visage hideux de la mort, créez l’horrible beauté.
À bas toute démarche théorique, nous sommes des artistes du dimanche.
Que l’indifférence soit votre démon le plus craint.
Couchez avec vos ennemis, car l’existence n’a aucune unité narrative.
Méditez à tout ce qu’un homme peut faire de son prochain, s’il sait que l’impunité lui est garantie.
Imaginez une immense plaine neigeuse, polaire, couverte de glace et vous au-dessous prisonnier de la glace, sans moyen de vous évadez.
Pour peindre des monstruosités il faut être une personne joyeuse.
Une pièce éclairée à la bougie est plus émouvante, plus suggestive qu’une pièce inondée par les flots d’une lumière aveuglante.
Quelqu’un qui a quelque chose à dire ne se demande pas si cela a déjà été dit avant lui.
Laissez tomber le mot « liberté », il est trop galvaudé, ces jours-ci – même si toute vérité est construite sur la répétition.
L’art naît de nos insuffisances, se construit sur nos échecs et s’épanouit sur nos faiblesses.
Embrassez l’habitude, car elle seule vous tient éloigner de tout sentiment d’étrangeté.
Sans tension point d’exaltation.
Exagérez vos enthousiasmes, vos ravissements, ne ruinez pas l’ambiance.
Soyez hanté par la disparition de votre prochain.
Soyez distraits en abordant la peinture.
Dites des bêtises sur des œuvres pertinentes et des pertinences sur des œuvres médiocres.
Soyez mélancoliques et joyeux face au triomphe des fausses valeurs.
Si vous voulez éviter de vous mouiller, jetez-vous à l’eau.
L’orgueil, l’amour-propre ont toujours raison. Laissez-les avoir le dernier mot.
C’est toujours un petit miracle lorsque l’élan créateur triomphe du désespoir.
Laissez-vous tromper, car cela nuit gravement à vos intérêts.
Il faut beaucoup peindre pour savoir ce que l’on veut réellement peindre.
Soyez des menteurs heureux et capables.
Taisez toute pensée que vous estimez dérangeante.
Soyez incisifs – tout le monde n’a pas la même tolérance à la critique.
Ne demandez pas ce que l’artiste a envie d’entendre, mais dites-lui ce que vous avez envie de lui dire. Que votre langue ne trébuche pas, ne bredouille pas.
Mon art se joue du monstrueux, ne faites pas de moi un monstre, un mouton à cinq pattes. Je suis la somme de mes contradictions.
Brûlez vos maisons. Ne quittez jamais vos bacs à sable, même si vous avez passé l’âge.
Karim Kara Mosli
Écrivain